Après des études primaires Jean Boucher, âgé de douze ans est placé en apprentissage chez un serrurier, rue des Carmes, à Rennes. Ses dessins sur tôle et sur papier sont alors remarqués par Charles Lenoir (1).
Il conserva, de ce passage dans cet atelier, l’amour de la ferronnerie, de la belle matière et de la précision.
Sur les conseils de Charles Lenoir, Jean Boucher suit les cours du soir de la Halle aux Toiles (2). Il reçoit les tous premiers enseignements de Félix Roy dont il retiendra « l’âme délicate et un excellent professeur » ainsi que les conseils de Coquelin « si simple, si bon ».
Il se lie d’amitié avec Jules Ronsin, qui deviendra portraitiste et directeur de l’Ecole régionale des beaux-arts de Rennes.
Cette école fut le tremplin pour toute une génération de sculpteurs talentueux, née dans les années 1870-1880. Ces sculpteurs qui ont pour nom Jean Boucher, Paul Le Goff, Louis-Henri Nicot, Pierre Lenoir, Eloi Robert, Albert Bourget, Armel-Beaufils, Francis Renaud ont constitué une véritable « Ecole de Rennes », aux côtés des peintres Guérin, Boussu, Collet, Lemmonier, Godet, Ronsin, Lemordant, Roger, Méheut, Fougerat et de certains artistes des Seiz-Breur.
L’année 1888, précipite la carrière de Jean Boucher : aidé par une pension de la Ville de Rennes, il est admis à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts, à Paris.
A son arrivée, il partage une chambre au 48 rue de Seine avec son aîné, Jules Ronsin qui l’a devancé de peu. Au cours d’un discours, Jean Boucher commente ses débuts parisiens : « Ronsin me guidait tel un grand frère dans le rude et passionnant chemin où se cultive les arts plastiques, le quartier Latin et autour du Luxembourg » (sic.).
Les années d’apprentissage
L’apprentissage parisien de Jean Boucher débute en 1888 à l’Académie Julian. Cette académie, la plus ancienne fondée en 1868, proposait un enseignement similaire à celui de l’Ecole des beaux-arts. Il bénéficie des conseils prodigués par Henri Chapu (3) dont il hérita l’amour de la nature.
Suivre un apprentissage dans un atelier auprès d’un maître, constituait la seule manière de se préparer au concours d’entrée à l’Ecole des beaux-arts et de connaître toutes les techniques du métier.
En fin d’année 1889, Jean Boucher est admis dans cette prestigieuse école et prend place dans l’atelier de Jean-Alexandre Falguière (1831-1900).
Durant la même période, il suit les cours de Antonin Mercié (4) que Jean Boucher remplacera lors de son retour de la guerre, en 1919. L’enseignement comprenait des cours théoriques d’histoire de l’art, des séances de pratiques de dessin, d’après l’antique et modèle vivant. Jean Boucher gardera cette pratique, faisant poser son entourage et plusieurs modèles dans son atelier.
Les distinctions
Vient le temps où le jeune artiste décide de voler de ses propres ailes : il cherche une composition à travailler et à présenter dans les Salons et les différents concours. En 1891, Jean Boucher remporte une troisième médaille lors du concours de « Figure modelée d’après l’antique ». Deux ans plus tard, il concourt pour le Prix de Rome et termine huitième logiste avec Age d’or. Cette même année, il reçoit la médaille du concours Lemaire. En 1894, avec l’œuvre intitulée Achille revêt l’armure apportée Thétis, il est second Grand Prix de Rome.
Le Prix Rome, concours annuel passé à l’Ecole des beaux-arts, se déroule en plusieurs étapes éliminatoires.
En sculpture, le candidat devait exécuter soit une figure en ronde-bosse, soit un bas-relief. Les lauréats du concours en peinture, sculpture, ou architecture séjournent durant trois ans à la Villa Médicis, à Rome. En contre-partie de la prise en charge des frais, le candidat est tenu d’envoyer chaque année une oeuvre.
Jean Boucher renoncera à obtenir ce prix en 1898 après avoir terminé second Grand Prix avec l’œuvre intitulée Caïn après la mort d’Abel.
Il présentera ses oeuvres au Salon des Artistes français (5) ainsi qu’au Prix National lui permettant entre autre d’obtenir une bourse de voyage décernée par l’Etat. Fin du mois d’août 1901, Jean Boucher part de Paris, débute son voyage en Belgique, découvre l’Espagne, puis l’Allemagne et enfin la Grande-Bretagne. Le règlement stipule que le lauréat de ce prix, doit séjourné obligatoirement une année en Italie.
De cette ultime destination, il conserve des souvenirs intenses esquissés sur de nombreux carnets de dessin, où se côtoient des scènes de rue ainsi que de nombreuses esquisses de chef-d’oeuvres de l’Antiquité et de la Renaissance.
(1) Artiste-sculpteur parisien, nommé de 1881 à 1899 directeur de l’Ecole des beaux-arts de Rennes. Il jette les bases d’un enseignement artistique de qualité, axé sur la pratique de la sculpture, complété par des cours d’anatomie.
(2) La Halle aux toiles, construite sous la restauration, fut le centre de production de toiles à voiles et c’est à la fin du XIXème qu’elle accueillit une école dessin, puis une école primaire avant de disparaître en 1923.
(3) Henri, Michel, Antoine Chapu (1833-1891) assure la direction de l’un des ateliers Julian.
(4) Dans une correspondance adressée à son épouse datée du 15 décembre 1916 Jean Boucher commente la disparition de son maître: » Ce malheureux Mercié a fini de souffrir. Pauvre patron. Cela m’a fait une peine énorme car je l’aimais beaucoup. Je lui devais tant de choses. Et puis malgré la vague d’oubli qui s’étalait sur son nom, c’était un très grand et très pur artiste. Ils ne sont pas nombreux les hommes qui laissent dans l’histoire du monde une belle page, lui aura certainement la sienne très glorieuse ».
(5) Le Salon des artistes français est le plus ancien, son origine remonte à l’année 1673