Le projet de réaliser un monument dédié à la mémoire d’Ernest Renan dans sa ville natale, est dû à une association littéraire et artistique, aujourd’hui disparue, les Bretons de Paris*.
* Les Bretons de Paris dans leur combat pour la laïcité et la modernité traduisaient leur militantisme en érigeant des monuments visant à honorer des personnages significatifs.
Présidée par Armand Dayot de 1894 à 1896, l’association des Bretons de Paris passe sous la responsabilité du peintre Ary Renan à partir de 1896 mais périclite au bout de quelques temps.
En juillet 1902 Armand Dayot, vice-président fondateur de la ligue des Bleus de Bretagne exprime à nouveau son désir de voir une statue dédiée « à une de nos gloires nationales les plus hautes, une des lumières les plus pures et les plus brillantes de la pensée humaine : je veux dire Ernest Renan ».
Ernest Renan se présente comme le symbole de la République anticléricale, alors que la querelle entre les républicains et les catholiques a commencé. Le paroxysme est atteint quand les républicains trégorrois décident d’honorer leur philosophe en érigeant une statue et en organisant une cérémonie d’inauguration présidée par Emile Combes, qui en juillet 1902 a ordonné la fermeture de 2500 écoles congréganistes.
Jean Boucher reçoit la commande du groupe lors de son séjour à Rome.
Après plusieurs relectures de l’œuvre de Renan, il se documente sur sa personnalité et étudie de nombreuses photographies qui lui sont confiées.
L’œuvre intitulée « La prière sur l’Acropole » enflamme très vite l’imagination de l’artiste. L’érection du monument est autorisée le 30 août 1902 et le 13 septembre 1903, l’inauguration se fait dans un climat de protestations, a tel point que la troupe, baïonnette au canon a du être déployée sur place.
Le groupe sculpté se compose de la grande figure de Pallas Athéna debout à côté d’Ernest Renan, le laurier d’or à la main, casquée de sphinx, de griffons et d’aigrettes, vêtue du double chiton, la poitrine couverte de l’égide et bordée de serpents.
Malgré les avis de Pierre Loti et de Marcellin Berthelot qui désiraient que Ernest Renan soit représenté à l’âge de 40 ans, Jean Boucher choisit de donner l’image en bronze d’un Renan des dernières années. Il est représenté assis sur un banc de pierre le bâton à la main, son chapeau à large feutre posé près de lui.
Selon sa pratique Jean Boucher demanda à sa cousine, Hélène Guillodot, de prendre la pose afin de donner les traits de la figure antique, Pallas Athéna.
Le monument est basé sur une composition pyramidale ascendante. Conformément à la tradition académique, Jean Boucher utilise une allégorie, la déesse grecque de la Pensée. Il oppose les deux figures, donnant de l’élan à Athéna par sa stature droite et énergique et son bras droit levé, aux dépends de celle de Renan, assis sur son banc.
Les festivités durèrent trois jours durant lesquels la ville était décorée afin d’accueillir les personnalités.
L’inauguration fut marquée par le défilé des troupes puis par les discours et la visite de la maison natale d’Ernest Renan. Un grand banquet rassemblant plus de 2000 convives suivi d’un discours très politique du Président Combes vinrent clôturer les fêtes de Renan.
Avec cette création Jean Boucher devint brusquement célèbre et imposa son nom au grand public.
Ernest Renan
(Tréguier 1823 – Paris 1892)
Il gagna les rangs de l’Académie à 33 ans, un an après la consécration scientifique que connu son Histoire générale des langues sémitiques. L’ampleur de ses compétences, sa personnalité, sa foi dans le positivisme devait en faire l’une des figures les plus emblématiquesdu monde intellectuel de la seconde moitié du XIXème siècle.
Archéologue, il assuma, lors de l’expédition française de 1860-1861, la direction de la célèbre mission en Syrie où il fouilla sur les sites antiques de Byblos, de Sidon et Tyr, se posant alors comme le spécialiste incontestable de la Phénicie. Philologue et brillant historien des religions : en 1845 il perd la foi et renonce ) une carrière ecclésiastique. Son livre « Vie de Jésus » en 1863 entraîne polémique et scandale.
Tréguier – Communes des Côtes d’Armor où l’on peut découvrir l’exposition « Tréguier, 1903 : l’Affaire… » réalisée à l’occasion du centenaire de l’érection de la statue d’Ernest Renan et présentée jusqu’au 28 septembre 2003.
Centre des Monuments nationaux
Maison d’Ernest Renan
20 rue Renan
22220 Tréguier
Pallas Athéna
Elle est la fille préférée de Zeus, qui l’enfanta seul, puisqu’elle sortit de son crâne, toute armée. Elle apparaît dans l’Iliade comme une déesse guerrière, mais le plus souvent, elle ne se monter agressive que pour défendre la Cité, dont elle est la protectrice. Déesse civilisatrice, elle préside à l’artisanat et à l’agriculture. C’est elle qui fit connaître la bride aux hommes, et leur permit ainsi de domestiquer les chevaux. Ses attributs sont nombreux, parmi lesquels l’égide – son bouclier, et le foudre parfois prêté par son père.
Son animal consacré est la chouette ; elle créa de ses mains l’olivier, dont elle fit don à sa ville, Athènes. C’est là que s’élève son temple, le Parthénon, de l’un des noms de la déesse, Parthénos, c’est-à-dire la Vierge. Athéna-Pallas est en effet la plus importante des trois divinités vierges, elle personnifie donc, outre la sagesse et la raison, la chasteté.
La sagesse d’Athéna a guidé Renan en sa qualité de déesse de l’intelligence, de la justice et des arts, elle personnifie au sein du groupe sculpté la raison et le savoir du penseur.